Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
caelle
17 juin 2005

scarabée noir noir

 

Y a des endroits où on a la chance d'être invités et où on va, heureux d'y être conviés parce qu'on connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un et on se retrouve à être un des happy few (mais pas si few que ça puisqu'il y est difficile de s'aborder les uns les autres quand on ne se connaît pas déjà), tout en sachant qu'on se fera du mal en y allant parce que ce sont pas les lieux en eux-mêmes qui sont intéressants (même si ce sont des lieux superbes) mais ceux qui y habitaient. Or ceux-ci ne peuvent pas être sur le pas de la porte puisqu'ils sont décédés depuis longtemps. On se fait d'autant plus de mal quand on a beaucoup entendu parler de ces gens, qu'on les a lus et qu'en quelle sorte on a l'impression que ça aurait été tellement sympathique de les rencontrer en vrai. Pas pour dire "je les ai vus" comme s'ils étaient des animaux de foire, pour vraiment les rencontrer, échanger, voire converser, deviser gaiement, pour l'espace d'un instant ou peut-être plus longtemps, pour se connaître et se reconnaître, pour être au lieu de paraître et se dire au revoir, le coeur content, ravis de s'être rencontrés.

C'est tellement rare d'être avec les gens, souvent on ne se rend pas compte que c'est le cas quand ça l'est, tout occupé qu'on était à des soucis divers et variés. On ne prend pas le temps d'être. Ou alors de manière tellement éphémère. Y a des moments où faudrait pouvoir faire des arrêts sur image, savourer chaque seconde, retenir la course du temps, le bruit de la vie. Se concentrer vraiment sur la rencontre avec autrui.

On ne fait que zapper et on perd l'essentiel. On sait très bien le reconnaître, l'essentiel, quand on nous le met en mots sur du papier, en images et en dialogues sur un écran mais dans la vie, trop souvent, on est distrait, parasité.

Quelqu'un de bien plus âgé que moi et ayant donc bien plus longtemps roulé sa bosse sur cette planète que moi m'a dit que, sur toute une vie, on ne rencontre pas plus de quinze personnes avec lesquels on est sur la même longueur d'ondes, avec qui l'on a des atomes crochus, mais vraiment crochus, les atomes. Des atomes similaires qui font qu'on est bien ensemble, qu'on reprend les conversations là où on les a laissées, qu'on rit toujours des mêmes choses, qu'on passe des moments à être bien et où on se quitte en se disant "à la prochaine fois" et en le pensant vraiment. Qu'on a hâte que cette prochaine fois survienne. Des gens qui nous émeuvent au point que, quand on les aperçoit de loin, on ne puisse pas réprimer un sourire tellement ça nous réjouit de les voir, des gens avec qui on est tellement à l'aise qu'on n'hésite pas à se chamailler avec eux au risque de choquer ceux qui nous surprennent en train de faire les pitres. Des gens avec qui on est "nature".

Des gens avec qui on s'autorise à être nous-mêmes, complètement nous-mêmes et eux en font de même avec nous. Des gens avec qui on peut se laisser à dire des sottises sans craindre a posteriori qu'ils le prennent mal et vice-versa.

On en a tous, des gens avec qui on se sent comme ça. J'en ai rencontrés quelques-uns avec qui je me sens comme ça. J'espère juste que ceux que je n'ai pas encore rencontrés ne sont pas ni décédés avant que je naisse, ni à l'autre bout de la planète dans un coin dont je ne suspecte pas l'existence, ni tous montés dans le même autocar qui se serait renversé sur une autoroute.

Ce n'est pas beaucoup quinze sur toute une vie et c'est long le temps sans eux quand on les connaît pas encore, c'est terrible quand vous manquent ceux qui sont déjà morts que vous connaissiez, alors voir les lieux hantés par ceux que vous ne connaissez que par procuration car vous n'avez jamais pu les rencontrer (ne serait-ce qu'une fois) pour cause de naissance tardive, ça fiche le scarabée, le bourdon, le cafard, qu'importe l'insecte, ça vous rend mal sur le moment. Ca vous renvoie à tout ce qui ne sera plus, ça vous remue, ça vous secoue et vous n'y pouvez rien, hormis vous sentir un peu bête avec votre chagrin si difficile à expliquer et qui, malgré vous, vous étreint.


Publicité
Publicité
Commentaires
C
Irina --> merci et bienvenue. Contente que cela te "parle" :)
I
c'est tellement vrai, que j'ai copie tout ceci, afin de le lire quand j'ai le cafard, quand je tourne en rond, quand j'ai peur de voir tout ce temps qui a file et que je me sens si seule<br /> <br /> juste pour aller vers les autres et ne plus laisser passer le temps sans dire ce que je voudrais que les autres sachent, mon amour pour eux, mes pardons pour les peines que je leur ai causees etc<br /> <br /> d'etre avec eux, temps qu'ils sont la et temps que je suis la, avant qu'on ne soit separe pour toujours, oublier mes blues pour ne pas oublier de vivre
Publicité
caelle
caelle
Derniers commentaires
Archives
Pages
Publicité