retraite ou défaite?

La vie vaut-elle la peine qu’on l’achève dans ce que l’on appelle pudiquement maison de retraite? On s’y retrouve en communauté avec des horaires fixes à payer des sommes exorbitantes pour habiter une chambre sommairement meublée avec le strict nécessaire : un placard, une table de nuit, un lit, un semblant de commode, un fauteuil. Où est la notion de chez soi quand on en est réduit à dépendre des autres?

Les regards des pensionnaires sont hagards et leurs cheveux clairsemés. Pour quiconque venant de l’extérieur, le choc est brutal. Les patients, plus qu’enfermés dans cette demeure, le sont dans leurs corps. Leurs corps qui ne leur obéissent plus. Leurs têtes qui déraillent.

Doit-on comptabiliser dans leur vie le temps qu’ils passent ici? Ils sont coupés du monde, ils sont coupés des autres, ils sont coupés d’eux-mêmes. Ce sont de petites poupées brinquebalantes, pour certaines, incapables de se mouvoir, pour d’autres, incapables de s’exprimer. Ce ne sont que des écorces vides. Plus rien ne retient leur attention ou presque. Ils sont. Mais déjà si peu. On a du mal à les imaginer jeunes, allants ou directifs.

Les seuls qui savent ce que ces visages parcheminés, émaciés ont été sont qui un époux, qui un fils, qui, le temps d’une visite, jouent la comédie de la bonne humeur, en écrasant discrètement une larme qu’ils n’ont pu réprimer.

Le tout donne à l’ensemble une atmosphère particulière et une apparence de royaume des ombres où seuls les employés gardent un semblant de normalité qui les fait apparaître déplacés, à la limite de la cruauté.

Est-ce une vie que d’être confiné dans un lieu dont la porte d’entrée est surmontée d’un panneau indiquant « aucun pensionnaire ne peut quitter l’établissement sans l’autorisation d’un des membres du personnel »? Est-ce une vie que de devoir de nouveau comme à la maternelle manger tout dans son assiette?

Personne n’a raison, personne n’a tort, personne ne sait en vérité. C’est seulement terriblement triste que d’en arriver là.

Comments

[persee]

C'est ça ou pourrir la vie de tes enfants. Personnellement, quand je ne serai plus capable de vivre seul, je ne m'imposerai pas à ma progéniture. La maison de retraite est la moins mauvaise solution. Pour ceux, bien sûr, qui ont les moyens de s'en offrir une convenable.