Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
caelle
14 février 2006

hommage indirect à quelqu'un à qui l'on n'oserait plus dire bonjour dans la rue si on le croisait

Un ami (ou en tout cas une connaissance sympathique rencontrée que trop rarement) m'a prêté des disques de Goldman depuis six mois (au moins) et total, malgré mes suppliques de loin en loin pour les lui rendre (sans pour autant devoir les lui renvoyer par la poste), eh ben je les ai toujours (on doit prendre un pot, on se téléphone mais impossible de caler une date... Paris, Paris...). Et donc à force, j'ai eu le temps de les écouter. J'aime bien écouter les mots et les phrases dans les chansons quand elles racontent des histoires et qu'il y a une mélodie. D'autant que ce sont des vieux albums de Goldman sur lesquels il y a des chansons qui ne sont pas les locomotives des albums et qui ne sont donc pas passés en boucle sur les radios. Celles qui ne sont pas assez "commerciales" pour passer sans cesse.

Des albums de l'époque où Goldman n'était pas encore monsieur Jean-Jacques Goldman et donc devenu une personne intouchable dans la chanson française et dans la vie tout court.

Mais Goldman, avant de réussir, a ramé longtemps. La preuve, en tant que vieille et (ex-) Montrougienne, eh ben, pour moi, Goldman, c'était le mec du sport 2000 qui m'a vendu beaucoup de tennis et maillots de natation à l'époque où mes parents croyaient encore qu'un enfant devait subir un entraînement de nageur de combat en semaine après l'école et courir des kilomètres au bois de Boulogne tous les dimanches. C'était l'époque où mon père embarquait ses collègues informaticiens faire le cross du Figaro au même bois de boulogne (belle réussite... On en a récupéré un limite sous oxygène à l'infirmerie une année) et où, fort heureusement, j'étais trop petite pour être recrutée (mais en même temps, je me tapais le parcours tous les autres dimanches donc je ne sais pas si c'était une chance de ne pas participer au vrai cross).

C'était l'époque où mon père a même fait faire spécialement des tee-shirts aux couleurs de l'ADEPA* au Sport 2000 par Goldman et son frère (Goldman avait les cheveux longs et son frère les cheveux courts, c'était comme ça que je les différenciais, on ne savait pas leur nom). C'était l'époque où j'avais l'impression qu'on passait la moitié de nos week-ends dans cette boutique. C'était rigolo (d'autant que là, je n'étais ni dans l'eau, ni en train de courir et qu'il y avait plein de choses à regarder).

Donc pour moi donc Goldman, ça reste un type normal qui a réussi et qui prouve que même les vendeurs de baskets un jour peuvent finir dans le poste (si c'est ça qui les botte vraiment) mais pas en faisant risette dans une télé-réalité (comme on nous le fait croire ces jours-ci) mais en bossant comme des acharnés et en renonçant jamais à faire ce dont ils ont envie.

Et il en a fait des choses, Goldman, avant que ça ne marche pour lui  (ça, je ne le savais pas à l'époque). Il a sûrement aussi fait le désespoir de sa famille, de ses potes et de tous ceux qui lui trouvaient un bel avenir dans tout et ne comprenaient pas pourquoi il s'entêtait à seulement vendre des baskets en faisant la tête dans le magasin de ses parents avec son petit frère. Il a dû aussi douter de lui plus qu'à son tour. Et d'ailleurs, ses chansons solistes du début ont l'air d'avoir l'énergie du désespoir (l'album "à l'envers"). On sent (avec le recul et en rembobinant le fil de l'histoire) qu'il devait sûrement se dire "c'est maintenant ou je laisse tomber". (D'autant qu'avant, il avait déjà essayé avec Taï Phong - avec succès - et qu'il était retourné vendre des tennis parce que les autres du groupe n'avaient pas les mêmes priorités que lui ou peut-être la même discipline...je ne sais pas, je n'y étais pas). Mais les textes, la voix, les images dans les phrases ont  trop  l'air criant de la vérité, de la sincérité pour être entièrement inventées et non (même un petit peu) resssenties, constatées, longtemps tues, transformées, assimilées par celui qui les écrit et les dit (enfin). Enfin, moi, je trouve. P'têt que je me trompe. Que j'interprète à tort. Faudrait pouvoir lui demander à lui mais ça ne nous regarde pas au fond. Il a le droit de ne pas être harcelé et de vouloir la paix et la tranquillité (comme quiconque d'ailleurs).

J'ai mis longtemps à accrocher sur ses chansons à part certaines que je trouvais soit terriblement tristes, soit terriblement justes mais pas gaies/gaies.

J'avais p'têt du mal à écouter les chansons du type du Sport 2000 et puis j'étais trop petite pour accrocher sur ce qu'il racontait. En plus, on devient timide avec ceux qui changent de sphère. On est gênés.
Mais je me souviendrai toujours d'avoir passé toute la durée de son passage avec "quand la musique est bonne" chez Drucker dans "champs élysées" (si je ne m'abuse) à me chamailler avec mes parents sur le thème:
"c'est le mec du sport 2000"
"mais que fout le mec du sport 2000 chez Drucker?"
"mais si, c'est lui, je te dis"
et le lendemain, on est passés comme d'hab au magasin (ce qui veut dire que c'était ouvert le dimanche matin et qu'on devait avoir besoin de tennis/de chaussettes/de lunettes de natation) demander confirmation que c'était bien lui chez Drucker la veille :

Et Goldman, même devenu une personne connue, venait encore chercher sa fille à mon école primaire. Donc, à défaut de pouvoir le lui dire directement maintenant, eh ben, je vous raconte cette anecdote véridique et je voulais lui dire merci de m'avoir montré que, même les gens (re)connus (quelque soit le domaine), eh ben, commencent  par être des gens comme vous et moi. Et puis surtout d'avoir continué à écrire des chansons qui parlent des gens et des petits riens qui constituent notre vie à tous. Parce qu'il n'est pas le seul à le faire et à le faire bien, mais c'est le seul que j'ai côtoyé (en traînant dans une boutique de sport contre ma volonté) avant qu'il ne devienne quelqu'un.

Donc merci et chapeau. Qu'importe la route qu'on se choisit, faut cheminer dessus, même si c'est dur, même si c'est décourageant car tout est possible si on s'échine. Et sans que lui ni eux ne le veuillent, ni ne le savent, c'est la leçon que j'en ai tirée grâce à lui et à mes parents (un peu trop fous de sport à mon goût mais bon, avec le recul, y avait du bon...quand même) :)

Depuis, un de mes jeux favoris, c'est de demander aux gens que je rencontre un peu partout et qui ont réussi leur vie (à mon avis) et qui sont plus vieux que moi de me raconter comment ils en sont arrivés là. Pour savoir. Pour apprendre. Pour pouvoir peut-être réussir la mienne. Pour découvrir ce qui les a faits tenir quand ils n'y croyaient plus (quelque soit leur but, leur rêve). Parce que, zut, tant pis pour la morosité, je préfère les gens qui veulent voir l'avenir en positif plutôt que ceux qui disent "avant, c'était mieux" :)

Donc j'interviewe (à des fins complètement égoïstes) tous les "vieux" afin de découvrir et d'appliquer les recettes qui me semblent bonnes (i.e. conviennent à mon cas personnel et à mon caractère) et tenter d'éviter les écueils, ceux qui font qu'on renonce à jamais parce qu'on s'est collé dans une impasse. Parce que renoncer à concrétiser ses rêves de gosse, c'est se perdre un peu. Alors la vie, c'est jamais comme on l'avait imaginée, mais vivre la vie de quelqu'un d'autre parce qu'on n'a pas osé tout tenter avant d'abandonner, eh ben c'est trop triste. Enfin, moi, je trouve.

* ceux qui ont connu s'en souviennent peut-être ;)

Publicité
Publicité
Commentaires
B
Tain la classe ! Moi je connais Paul Kalfon avec qui j'étais en colo. Il a fait un album de rap et depuis on ne l'entend plus.
Publicité
caelle
caelle
Derniers commentaires
Archives
Pages
Publicité