Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
caelle
1 décembre 2010

tandis qu'elle s'éclipse...

Parfois, je me demande si j'ai un bloc de glace à la place du cœur. Ou si c'est l'inverse et qu'il ne faut pas que je m'en serve sinon il va se répandre.

J'appelle pour prendre des nouvelles d'elle et je dis son nom, je dis que je suis sa fille et on me répond en utilisant les mots "votre maman" et ça me fait l'effet d'une craie sur un tableau. Je sais que ça se fait, je sais que ça se dit mais ils n'ont pas le droit d'utiliser ces mots-là. Celle dont ils ont la responsabilité le temps qu'elle aille mieux n'est pas ma maman. Y a trop d'affect dans le mot maman pour qu'un étranger l'utilise quand justement ça va mal. Petite, je reprenais les gens quand ils me parlaient de ma maman et je disais "ma mère".

Maintenant, que faire alors que j'ai déjà assez mal comme ça pour qu'ils n'en rajoutent pas une couche? Qu'est-ce qu'ils connaissent de ma maman justement? Rien, nada, nichts. De quel droit peuvent-ils parler d'elle? Et, involontairement, sans savoir, ils égratignent un peu plus les plaies qui n'ont jamais le temps de cicatriser. Je l'appelle maman, je ne sais pas si c'est ma maman. Et jamais je ne l'ai prononcé "manman". Y a trop de plaintif affectueux geignard sûr d'une réponse positive de la part de celle qu'on appelle de la sorte dans ces deux syllabes. Trop de doux, d'ouateux dans "votre maman". Je ne peux plus reprendre les gens, ils ne le font pas exprès. C'est fou ce qu'on blesse avec des mots. Les mots durs, ceux-là, on s'en défend, on réplique, on monte d'un cran, on se dresse sur ses ergots. Mais contre les apparemment doux, que faire? Ces mots bien intentionnés qui ne font que vous renvoyer à tout ce que vous auriez tant aimé considérer comme sûr, indéboulonnable.

Et surtout, que faire quand, à maintes et maintes reprises, la même chose se reproduit, le même cirque recommence et que vous faites le tour du cadran des émotions, de la colère à la pitié en passant par l'impuissance sans jamais plus réussir à pleurer pour ça parce que ça fait bien longtemps que vos larmes sur ce sujet se sont taries? A défaut de pleurer pour ce qui vous meurtrit, vous pleurez pour des choses accessoires et vous ne savez plus ce que vous ressentez au juste.

M'inquiète-je pour elle? Je ne sais plus. Me manque-t-elle? Je ne veux plus me le demander. Suis-je malheureuse de la situation? Sûrement mais à quoi bon puisque ça n'y change rien. Devrais-je espérer? Oui mais quoi? En fait, je suis triste depuis tellement longtemps que j'ai l'impression de ne plus savoir l'être. Bizarre maladie que celle qu'elle a. De celles qui font disparaître un être temporairement en en laissant juste l'enveloppe corporelle. En fait, c'est ça. Ils croient, les docteurs et les infirmières qu'ils s'occupent actuellement de ma maman mais si c'était ma maman justement, elle ne serait pas là  avec eux car, les moments où elle a pu être ma maman, elle n'était pas dans leurs mains et ces moments-là n'appartiennent qu'à elle et moi.  A moi, sûr car je m'en souviens, à elle aussi j'espère, si elle n'a pas une fois de plus perdu la mémoire.

Et c'est justement à cause de cela qu'ils n'ont pas le droit d'utiliser ce mot-là car ce mot-là, il est à moi et en l'utilisant, ils ne font que me briser un peu plus le cœur en me rappelant tout ce que je pleure.

Publicité
Publicité
Commentaires
C
Jackie Brown--> Merci. J'essaie :)<br /> Bon courage également.
J
"Ils croient, les docteurs et les infirmières qu'ils s'occupent actuellement de ma maman mais si c'était ma maman justement, elle ne serait pas là avec eux car, les moments où elle a pu être ma maman, elle n'était pas dans leurs mains et ces moments-là n'appartiennent qu'à elle et moi."<br /> <br /> J'aurais pu dire la même chose pour mon Papa. Bon courage !
Publicité
caelle
caelle
Derniers commentaires
Archives
Pages
Publicité