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caelle
29 décembre 2010

Y a des mots , y a des phrases, y a des choses qui ont été écrites...

qui sont trop belles, qui sont trop vraies pour qu'on les oublie.

Y a des gens,  ils savaient utiliser les mots pour dire des choses fortes au point que ça  te cueille. Obligé, ça te cueille. Et avec de la musique, obligé, t'as la chair de poule.

Nuit et brouillard

by Jean Ferrat

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent

Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été

La fuite monotone et sans hâte du temps
Survivre encore un jour, une heure, obstinément
Combien de tours de roues, d'arrêts et de départs
Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir

Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou
D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux

Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux
Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues

Les Allemands guettaient du haut des miradors
La lune se taisait comme vous vous taisiez
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers

On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare

Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ?
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été
Je twisterais les mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez

Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent

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Commentaires
C
Berlioz--> Jamais lu "et si c'était un homme". J'en ai entendu parler forcément, je dois même l'avoir acheté. Faudrait que je me décide à le lire :)<br /> Ca doit foutre le cafard, non? C'est forcé vu ce dont ça parle.
B
Je suis en train de terminer 'Si c'était un homme' de Primo Levi et, je dois dire, que les mots font mal, sûrement parce qu'ils sont très justes.
C
Berlioz--> merci pour le beau texte d'Aragon, je ne le connaissais pas. Bon, si ça continue, on va mettre "le chant des partisans" et je vais encore passer pour une contestataire :)<br /> De toute manière, des beaux textes sur tous les sujets, y en a des pelletées et il faudrait plus de mille vies pour tout lire, tout voir et tout écouter :(<br /> Et apparemment, tout le monde s'en cogne vu que je n'ai pas l'impression qu'on aille vers du mieux et du plus juste pour autant. Oh well.
B
Je n'aurai qu'une chose à répondre :<br /> L'affiche rouge - Louis Aragon<br /> Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes<br /> Ni l'orgue ni la prière aux agonisants<br /> Onze ans déjà que cela passe vite onze ans<br /> Vous vous étiez servis simplement de vos armes<br /> La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans<br /> <br /> Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes<br /> Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants<br /> L'affiche qui semblait une tache de sang<br /> Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles<br /> Y cherchait un effet de peur sur les passants<br /> <br /> Nul ne semblait vous voir Français de préférence<br /> Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant<br /> Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants<br /> Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE<br /> Et les mornes matins en étaient différents<br /> <br /> Tout avait la couleur uniforme du givre<br /> A la fin février pour vos derniers moments<br /> Et c'est alors que l'un de vous dit calmement<br /> Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre<br /> Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand<br /> Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses<br /> Adieu la vie adieu la lumière et le vent<br /> Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent<br /> Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses<br /> Quand tout sera fini plus tard en Erivan.<br /> Un grand soleil d'hiver éclaire la colline<br /> Que la nature est belle et que le coeur me fend<br /> La justice viendra sur nos pas triomphants<br /> Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline<br /> Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant<br /> <br /> Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent<br /> Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps<br /> Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant<br /> Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir<br /> Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant
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