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caelle
10 janvier 2013

Le weekend d'avant tous les changements

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Un weekend du quinze août il y a une quinzaine d'années: je ne le savais pas à l'avance, mais c'était la fin d'une époque. J'avais pris un train archi-bondé, étais montée dans un de ces wagons avec des compartiments mais ils étaient tous fermés. Par conséquent, les gens en étaient réduits à rester debout dans l'étroit couloir.

Deux mecs, l'air patibulaire, fumaient des joints alors qu'il n'y avait pas d'air et qu'il n'était encore que tôt le matin. Personne ne leur disait rien. Ils étaient assis par terre. Je m'étais également assise alors que je portais un pantalon crème. Ca avait choqué un des deux patibulaires qui m'en avait fait la réflexion: "Mais, mademoiselle, votre pantalon". Mademoiselle, elle n'allait pas rester debout deux heures, tant pis pour son pantalon. Le train quitta la gare. Celui à côté de moi voulut se rallumer un joint. Je dis "ah non, des cigarettes, d'accord mais pas des joints, vous ne voyez pas que vous incommodez tout le monde alors que déjà on n'a pas d'air?"

Quand je n'ai pas d'air, je n'ai plus peur de personne et ça m'énerve quand il y a plein de monde et que personne n'ose l'ouvrir pour protester.

Le mec s'est excusé, on a sympathisé, lui et son pote étaient marins et allaient s'embarquer à Cherbourg. A la fin, il voulait que je lui écrive quand il serait en mer. Ben, voyons.

Au bout de mon voyage, il y avait mes grands-parents sur le quai de la gare qui m'attendaient comme à chaque fois. Je ne les ai jamais pris en photo sur ce fichu quai mais je les vois encore dans ma tête. Se tenant à l'écart, en tête du train. Et ce sourire qui devient énorme, qu'on ne peut pas réprimer quand on aperçoit de loin des gens qu'on ne voit pas aussi souvent qu'on le voudrait.

Ce weekend-là, ma grand-mère, comme à son habitude, me disant "ah ce que j'aimerais être une petite mouche pour voir ce que tu manges chez toi".

Ce weekend-là, je pris le vélo pour aller me balader. J'allai sur la digue et je me souviens m'y être assise, les écouteurs sur les oreilles, la BO de Men In Black dans les tympans et d'avoir regardé longtemps la mer en me sentant bien.

Pourquoi ai-je fixé ce moment somme toute anodin dans ma mémoire? Je ne sais pas. Cétait le dernier weekend de la sorte chez mes grands-parents, quelques mois après, ma grand-mère est tombée malade et ça n'a plus jamais été pareil.

Ces dernières années, ils sont quelques-uns que j'aimais à s'être évaporés, désintégrés, métamorphosés en rien. Pfou, into thin air. C'est quand même très bizarre, cette histoire de mort. Tes yeux qui voyaient et qui brillaient s'éteignent. Tu n'es plus là et tu emportes toute ton histoire avec toi.

Et moi, il y a des nuits où, comme une andouille, je repense à ceux-là. Je ne peux pas les oublier, je voudrais pouvoir leur téléphoner, leur demander leur avis sur telle ou telle chose, qu'ils éclaircissent un point, qu'ils me donnent un conseil (que je m'empresserai de ne pas suivre) mais ce n'est pas possible, et mes yeux me piquent et mon nez se bouche. Auparavant, je me serais relevée et j'aurais fumé une cigarette en attendant que ça passe. Maintenant, j'attends seulement que ça passe.

Dans la vie, on fréquente plein de gens mais finalement, si l'on fait le calcul, il n'y en a pas tant que ça qu'on aime véritablement et avec qui on a des atomes crochus. Des gens avec qui l'on se sent véritablement bien et avec lesquels on est sur la même longueur d'onde.

Et les instants de vie sont ténus, un peu comme les fils de toile d'araignée recouverts de rosée le matin. Parfois, on s'en rend compte quand on les vit, parfois on s'en souvient quand c'est fini.

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Commentaires
L
Non, mais non, juste un nouveau rappel à faire et dire tant qu'il est temps...
C
@Lou: merci. Désolée, j'espère ne pas vous avoir fait plus de peine.<br /> <br /> @Berlioz: oui, on a tous nos gens à nous. Mon grand-père disait que tant que quelqu'un pense à eux, ils ne sont pas vraiment morts.<br /> <br /> En fait, ce n'est pas qu'ils hantent mes nuits ni que mon futur me fait peur, c'est juste que c'est dommage qu'ils soient partis et que je ne puisse plus partager avec quiconque les souvenirs que j'ai avec eux.
B
Je pense souvent aux personnes qui peuplent mon Panthéon, même si parfois, pour certaines d'entre elles, je ne les ai côtoyées que peu. Elles viennent hanter mes nuits lorsque le moral est au plus bas et que je me demande avec angoisse de quoi mon futur var être fait, lorsque je me sens à un carrefour sans voir les différents chemins qui s'offrent à moi, seulement les obstacles à franchir. Je les appelle mais, ils ne répondent pas. Le contraire me ferait sans toute très peur.
L
C'est beau, et d'autant plus que je viens d'apprendre le décès d'une personne...
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caelle
caelle
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