Aujourd'hui

Au bout d'un moment, faire toujours les mêmes trajets, je n'en peux plus. Surtout quand c'est par obligation, en respectant un horaire. Quand tu ne peux même pas t'arrêter pour prendre des photos. En marchant, je faisais ça, m'arrêter pour prendre des photos mais là, sur une route à 110, s'arrêter dans un virage parce que le ciel est beau derrière les éoliennes et que les nuages sont bien disposés, ça risquerait de provoquer un carambolage. Alors je réfrène mes envies et je regarde.

Ici, ce qui est bien, c'est que les trajets, même s'ils sont longs en kilomètres, ne prennent pas trop de temps et que tu peux enchaîner des corvées (trucs auxquels tu ne peux pas couper) et te souvenir que, peut-être, ce serait bien de croiser un supermarché de façon à ne pas contempler des placards désespérément vides quand tu as faim. En bref, par moments, je  réagis encore comme quand j'étais en région parisienne, l'œil fixé sur les aiguilles de la montre et puis je m'aperçois que, par miracle, j'arrive à faire tout ce que je devais faire. Sensation agréable qui m'arrivait rarement lorsque j'habitais là-bas. C'était plutôt "ça, je laisse tomber, pas le temps, merde, c'est fermé, c'est trop tard". Fini l'anéantissement moral dans l'attente du bus qui tarde à venir, cette sensation désagréable que c'est foutu, qu'une fois de plus, c'est gâché, loupé, raté. C'est très étonnant de vivre autrement. Je n'arrive pas à m'habituer à ne pas vivre sous pression. Non que ça me manque. Juste que cela ne m'est pas naturel. Un peu comme si j'avais été conditionnée à traîner une grosse pierre partout où j'allais et que, depuis un an, je ne l'avais plus mais que je continuais à la porter quand même.

J'aime vraiment bien ici et ça m'étonne. La Normandie, c'est un peu mon Amérique à moi. Comme quoi, on peut adapter un lieu à ce qu'on a dans le crâne. Il y a plein d'endroits où je ne suis pas encore allée parce qu'on ne part pas en excursion toutes les cinq minutes quand on vit à un endroit. C'est idiot de ne visiter que les endroits où l'on n'habite pas. Surtout qu'il y a plein d'endroits qui ne sont pas loin. Et franchement, avoir un moyen de locomotion à sa disposition, ça change la vie. Je ne sais pas comment expliquer. Quand je prends la route, c'est la fête. J'ai toujours un peu peur de me tuer mais je vais voir ailleurs. J'aime bien voir ailleurs. Plein de fois, je veux faire des trucs et je remets. Là, tout d'un coup, je peux y aller. Il suffit juste que j'arrive à me garer en arrivant. Me garer, c'est ma bête noire.

Tout à l'heure, j'irai me promener à Houlgate. Pourquoi Houlgate? Et pourquoi pas. Si c'est joli, je prendrai des photos. Et puis si elles sont réussies, je les mettrai ici. En fait, je crois que j'aime bien rouler. Des années pour me rendre compte que ce ne sont pas les destinations qui me motivent mais être en voyage. Même prendre des nouveaux bus au hasard, je trouvais ça amusant. Voir de nouvelles rues, de nouveaux arbres, de nouveaux bâtiments. Un peu comme si, en bougeant, je voyais un film. Voilà, c'est ça. Regarder des images fixes ou qui  bougent pour voyager. Une musique en fond sonore, des couleurs qui claquent devant le pare-brise, des gouttes de pluie qui pixellisent le paysage et transforment tout en tableau impressionniste, des arbres seuls et solennels là au milieu d'un champ depuis toujours et que je n'ai jamais vus, des plaines, des vallées, des maisonnettes et un ruban de route pour y aller.

Et le dire en mots pour avoir moins l'impression d'être seule à le vivre.

Comments

[caelle]

Jackie Brown--> parfois, je me fais une montagne d'une termitière et me garer à l'arrivée, c'est un peu ça. Heureusement, je commence à faire des progrès. Et franchement, aux US, j'ai jamais flippé sur comment me garer car y a de la place partout et les places sont grandes. Par contre, je suis admirative de comment certains arrivent franco avec de gros pick-ups dans les places juste devant les magasins et réussissent leur manoeuvre du premier coup!

[Jackie Brown]

C'est exactement ça. Je me retrouve dans ce que tu écris.

"Me garer, c'est ma bête noire."
Moi aussi. Ca me gâcherait presque le trajet, même si je sais qu'ici, il y a souvent des parkings gigantesques.