"seven pillars of wisdom"
Pourquoi je vous parle des sept piliers de la sagesse? parce que je l'avais lu en français adolescente après avoir (re)vu "lawrence d'arabie" en 1989, lors de sa ressortie (voir festival de Cannes 1989 et la presse de l'époque pour plus d'infos) en salles (et bingo, comme ça, vous pouvez calculer mon âge à peu de choses près). Alors oui, c'est un pavé. Mais quel pavé. Et puis les pavés, quand ils vous plaisent, eh bien, ça vous dure. Dans mon souvenir, je l'avais lu en deux semaines au mois de juin (parfois, je me demande pourquoi je me souviens de trucs comme ça qui encombrent ma mémoire et qui, franchement, ne font pas avancer le schmilblick).
Un jour, j'aurai 80 ans (si je ne passe pas sous un autobus avant par mégarde), je bredouillerai en bavant (à cause de mon dentier) que "je l'ai vu en 1989 au Normandie sur les Champs Elysées, ah la salle était belle, les dromadaires étaient énormes et ça avait vraiment de la gueule, les films de David Lean" et des petits enfants (les miens? ou ceux qui auront pitié de moi?) m'écouteront d'une oreille distraite avec l'envie de s'enfuir mais n'osant pas le faire car leurs parents leur auront dit "surveillez la vieille, faut pas qu'elle tombe de sa chaise car si elle se casse le col du fémur, on sera obligés d'annuler les vacances! Vous ne voulez pas être privés de vacances, de plages, de bouées et de gaufres parce que vous n'êtes pas fichus de faire gaffe à une vieille qui radote, hein? Et puis, si elle vous fatigue, z'avez qu'à écouter de la musique dans votre oreillette, elle n'y verra que du feu. D'autant qu'elle n'y voit goutte de toute manière. ah ça nous a coûté cher, ses lunettes et pour rien en plus, on lui en aurait mis des en carton sans verres qu'elle n'aurait pas vu la différence. On est encore trop bons avec elle. Notre bonté nous perdra, moi je vous dis."
J'ai a-do-ré ce livre à l'époque. Alors me suis dit qu'il était temps de me faire un p'tit plaisir et de me l'offrir en anglais (parce qu'entretemps, j'ai appris à le parler alors autant que ça serve pour me faire plaisir) et puis pour voir si la magie opère toujours (pour le film, sûr mais pour le livre, je voulais vérifier). Et dedans, c'est drôle car y a plein de trucs à lire et des chapitres préalables rédigés par TE Lawrence où il explique l'évolution de son manuscrit, chronologie à l'appui et ses différentes phases. Où et quand il l'a écrit. Comment certains passages ont été écrits, par milliers de mots d'une traite, d'une aube à la suivante. Comment il a perdu son manuscrit en changeant de train à Reading un jour. Comment il a dû tout réécrire de mémoire. Les mésaventures d'avant les ordis. Maintenant, ton texte disparaît car ton disque dur rend l'âme. Avant, tu prenais un train et tu paumais ta sacoche. Ou il y avait du vent et tes feuilles partaient. La guigne, la poisse, la faute à pas de chance, la distraction de l'écrivain dans son truc à tel point qu'il en oublie le monde extérieur, appelez ça comme vous voudrez.
Et il y a des super drôles annotations d'A.W. Lawrence (son frère) recevant des questions de la personne relisant le texte et relevant les coquilles pour une nouvelle édition, en voici trois en exemple:
Q: Slip 47. Jedha, the she-camel, was Jedhah on Slip 40.
A: She was a splendid beast.
Q: Sherif Abd el Mayin of Slip 68 becomes el Main, el Mayein, el Muein, el Mayin, and el Muyein.
A: Good egg. I call this really ingenuous.
Q: Slip 53. 'Meleager, the immoral poet'. I have put 'immortal' poet, but the author may mean immoral after all.
A: Immorality I know. Immortality I cannot judge. As you please: Meleager will not sue for libel.
Sont très pince-sans-rire, ces Anglais, n'est-ce pas?